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L’algorithme, roi et maître

21 août 2023 - Maxime Johnson

Votre chanson préférée? C’est probablement un algorithme qui vous l’a recommandée. L’informatique est-elle en train de changer notre rapport à la musique?

Dès que vous ouvrez Spotify, un code informatique analyse vos goûts. C’est ce code − un algorithme − qui décide quelles listes de lecture vous seront proposées, et quels albums s’afficheront sur la page d’accueil de l’application.

Main avec un téléphone cellulaire
Dreamstime

Au coeur des applis

Même chose sur YouTube : la vidéo qui suit la précédente est déterminée par un code informatique. Et la vidéo TikTok avec cette mélodie super accrocheuse? Aussi sélectionnée par l’algorithme.

On ignore la recette exacte de ces algorithmes. Chose certaine, ils connaissent relativement bien vos goûts. Quelqu’un qui raffole de FouKi peut se faire offrir une nouvelle chanson hip-hop, mais probablement pas un album country, par exemple.

Oreilles sous influence

Ce qui vous est suggéré influence ce que vous découvrez puis, éventuellement, ce que vous choisirez d’écouter.

«Avant les algorithmes de recommandation, c’était les présentateurs et les chroniqueuses à la télé ou à la radio qui exerçaient cette influence», précise Romuald Jamet, professeur à l’Université du Québec à Chicoutimi et spécialiste de l’effet des algorithmes sur la diffusion de la culture québécoise.

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Où sont les artistes d’ici?

Si un algorithme développé à 6 000 km du Québec décide de la musique qui vous est proposée, vous écouterez sûrement moins de musique d’ici que si c’est le ou la DJ du coin, non?

«C’est difficile à dire», estime Romuald Jamet. Après tout, Apple Music vous proposera des artistes du Québec si c’est ce que vous aimez. Et ce n’est pas parce qu’une radio diffuse en boucle les succès de Gilles Vigneault que vous allez aimer ça!

N’empêche, nos artistes sont en minorité dans les écouteurs des Québécois·es. En 2021, seulement 8,6 % des écoutes sur les services de musique en continu provenaient d’interprètes de la province.

L’art de passer le chapeau

Différentes pistes de solution ont été mises de l’avant pour soutenir le milieu musical québécois sur les plateformes numériques. On a proposé par exemple d’imposer un quota de contenu local aux Spotify de ce monde. Ça se fait déjà avec les radios, qui doivent faire jouer 65 % de musique francophone au Québec.

Romuald Jamet n’y croit pas : «Un tel quota serait très difficile à faire accepter aux géants technos.» Un quota de découvrabilité serait plus réaliste, estime-t-il. Ce code modifierait l’algorithme pour qu’il affiche plus fréquemment des artistes d’ici.

Une autre option serait de s’inspirer de la télé. Dans ce milieu, la réglementation oblige les distributeurs (Vidéotron, Bell, Cogeco…) à investir une partie de leurs revenus dans des productions canadiennes.

Si on allait vers cette solution, «une proportion de l’argent perçu pour les abonnements des Québécois·es servirait à créer des bourses de production et à valoriser les artistes d’ici», propose le chercheur. À défaut de contrôler l’algorithme, cela permettrait au moins d’aider les créateurs et les créatrices à se faire entendre!

Le nouveau beat

Depuis l’apparition des plateformes de diffusion comme Spotify, l’industrie musicale au Québec génère moins d’argent, dit Romuald Jamet. Pour les créateurs et les créatrices, ce système est beaucoup moins rentable que la vente de CD.

Il y a cependant quelques bonnes nouvelles. Le nombre d’artistes est à la hausse, par exemple. Grâce aux plateformes et aux technologies d’enregistrement modernes, il est plus facile de produire sa musique et de la publier soi-même… en espérant qu’un algorithme la proposera ensuite!

Certains genres, propices à l’exportation, comme la musique instrumentale
d’Alexandra Stréliski, peuvent aussi bénéficier d’un accès à un marché plus grand. Les utilisateurs et les utilisatrices écoutent finalement en moyenne plus de musique qu’à l’époque du CD, et ont accès à plus d’artistes qu’auparavant.

Raz-de-marée en série

Et avec les autres produits culturels? C’est encore pire! Sur Netflix, le contenu québécois est non seulement soumis aux algorithmes, mais il est aussi très limité. Une poignée de productions québécoises (comme Les filles de Caleb) contre un raz-de-marée de contenu américain et international. Heureusement, des plateformes québécoises mieux garnies existent, comme ICI TOU.TV, ou Vrai pour les documentaires. Encore faut-il les utiliser!

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